Ben non! On réfléchi encooore!
C'est surtout quand on entend dire par certains vignerons: "ce sont les raisins qui sont issus de l'agriculture
biologique, on fait ce qu'on veut dans la cave!", ou encore, quand on nous vend le label bio à grands coups de subventions, que ça nous fait hésiter...
Entre autres choses, bien évidemment, parce qu'il y a aussi le "bio industriel" qui résonne étrangement à nos oreilles
avec ce qui se cache derrière les étiquettes de certains produits bio des grandes surfaces, les poissons d'élevage bio (un poisson pêché en pleine mer ne peut pas avoir le label bio,
parcontre, un poisson venant d'un élevage, nourri avec des produits labellisés bio peut recevoir ce même label. Même si un rafiot dégaze, par exemple, à côté de l'élevage...), les
cosmétiques bio dans lesquels il suffit que 10% des produits soient issus de l'agriculture biologique pour qu'ils aient droit au label, etc. etc...
Ah oui! Et aussi, que dire du projet de faire venir l'eau du Rhône pour arroser les pauvres vignes assoiffées du Languedoc-
Roussillon? Que va-t-elle contenir cette eau? Quelles conséquences pour le delta du Rhône? Quel bilan carbone pour construire tout le réseau?
Et que dire du projet des forages pour extraire les gaz de schiste et les conséquences désastreuses pour tout notre
environnement, nos cultures?
Breeef, pour en revenir au vin, la plupart des vignerons (pour ne parler que de notre espèce) se lancent dans le bio
pour trois raisons fondamentales:
1. Les subventions.
Nous ne crachons pas sur les subventions, elles sont bien précieuses pour des choses bien précises (nous allons même en
profiter mais pour un autre projet). Mais, soyons honnêtes, il faut savoir que deux mille euros/ hectares (4000 euros/hectares jusqu'à l'année dernière pour la subvention de
reconversion), c'est sympathique à faire rentrer sur les comptes de certains vignerons pris à la gorge ( ça, c'est pas une critique, c'est vraiment triste) ou, au contraire, de
certains vignerons-hommes d'affaires qui reniflent le "bon coup".
2. Le Marketing/le Business
Le logo, ça fait bien et les japonais sont en demande de bio! (Très souvent, les vignerons que nous avons
questionnés nous citent les japonais ?!).
Mais QUI vend aux japonais? Eh bien, pour la plupart, se sont ceux qui reniflent le "bon coup", pardi! Ceux qui
n'ont aucun état d'âme et qui vous regarde droit dans les yeux en disant:"ils veulent du bio maintenant, alors je leur fais du bio!".
3. L'impact sur l'environnement et sur la santé.
Quand on en parle...parce que ceux qui disent la petite phrase du dessus, ils en parlent même pas de l'environnement...ils
préfèrent tout de suite passer à l'inventaire des supers tracteurs, interceps et autres quads qu'ils viennent d'acquérir.
Combien il y a-t-il de vignerons qui ont choisi de travailler de façon bio et qui ont choisi un label pour des questions
d'environnement, de santé, de respect et d'éthique?
Nous en connaissons, bien-sûr, mais il y en a tellement peu!
Alors, bien-sûr, on peut se dire que l'essentiel, au fond, c'est que tous les agriculteurs, les producteurs, les
laboratoires, etc., aient pris l'engagement du respect de l'environnement même si l'argument n'est pas le premier à avoir fait pencher la balance. Mais, que faisons nous du produit fini? Comment
ferons nous lors du prochain scandale (il y en aura forcément au moins un, on le sait bien)?
Parce qu'au final, on aura tous la même pointe de couleur sur l'étiquette...
Le mieux ce serait que les gens prennent conscience du monde qui les entoure, des exécrables rapports qu'ils
entretiennent avec lui et que d'eux- mêmes, ils reviennent à des choses naturelles, saines, qu'ils respectent le temps des saisons et qu'ils redeviennent responsables et vigilants.
Le mieux, aussi, ce serait que les gens renouent le dialogue avec le monde agricole, avec les artisans, qu'ils aillent au
moins, une fois par semaine, faire leur marché dans un vrai marché et qu'ils s'intéressent à ce qu'ils achètent, à qui et pourquoi.
Le mieux, encore, ce serait que les gens arrêtent de se fier aux apparences et arrêtent de donner leur confiance en
un état où seul les interêts économiques prévalent sur tout.
Le mieux, aussi encore, ce serait que les gens redescendent sur Terre!
Nous sommes en train de tailler une vigne assez étroite qui longe une toute petite route de campagne servant
plus aux joggeurs et aux randonneurs de Clermont l'Hérault qu'aux voitures. Nous sommes très surpris de voir que nous pouvons être totalement transparents et que nos "bonjour!" restent sans
réponses! Parfois, pour en obtenir un, il faut pratiquement le leur crier.
Alors, hier, nous nous sommes entendus pour lever la tête et regarder les gens mais sans dire un mot. Sur
trente deux personnes qui sont passées à tout juste 10 mètres de nous, deux seulement nous ont saluées.
Depuis quelques années nous assistons à la déconnection des gens, pourtant issus d'une petite ville de province, du monde
rural, du monde agricole.
Mais que se passe-t-il?
Autant de questions, de constatations qui nous laissent perplexes, dubitatifs, inquiets.
Est-ce vraiment à nous de prouver que nous cultivons de façon bio et pas à ceux qui polluent d'être regroupés sous un
label?
Est-ce vraiment à nous de rajouter aux 50% de notre temps de travail consacré à l'administratif et la
commercialisation, 5 de plus pour répondre aux paperasses, aux contrôles liées au label?
Pour endormir encore les gens sur une couleur verte accrochée à une étiquette et qui n'iront jamais voir plus
loin?
Pour payer encore des gens sur le dos des agriculteurs?
(En ce qui concerne l'agriculture, ceux qui travaillent dans les administrations et autres services, organismes,
syndicats, sont plus nombreux que le nombre d'agriculteurs sur le terrain !!!).
Hum..hum...on réfléchi encooooore!